Anice Clément:
Françoise Wilhelmi de Toledo est médecin nutritioniste. Elle exerce à la Clinique de Jeûne Buchinger sur les bords du Lac de Constance à Überlingen.
Françoise Wilhelmi de Toledo:
Dans les cliniques nous faisons un jeûne loin du quotidien, on est dans un endroit différent, il y a un suivi médical, un encadrement thérapeutique, psychologique et aussi tout un programme artistique, culturel, et même une dimension spirituelle avec des méditations et autres. Et là, nous avons en gros trois grands groupes: des gens qui viennent d'une façon préventive simplement parce qu'ils sont épuisés, physiquement et psychiquement et qu'ils ont l'impression qu'ils sont en train de développer des facteurs de risque et qu'il faut que quelque chose se passe. C'est un premier grand groupe. Un autre groupe, ce sont des gens qui viennent pour des pathologies, alors là par exemple il y a tout le groupe des facteurs de risque des maladies métaboliques, par exemple obésité, hypertension, les gens qui ont trop de cholestérol, trop de lipides dans le sang, qui ont du diabète cipteux. Ca fait partie aussi des troubles de la circulation veineuse, artérielle.
Et ensuite nous avons un grand groupe de maladies qui sont peut-être moins connues en relation avec le jeûne. Ce sont les maladies inflammatoires chroniques, par exemple les maladies rhumatismales. On peut venir pour un rhumatisme d'un genou, d'une épaule, d'une hanche. Mais on peut venir aussi pour une maladie plus grave comme la polyarthrite rhumatoïde.
Tout un groupe aussi de la pathologie de la douleur, par exemple des migraines chroniques, toutes sortes de douleurs, par exemple du tuber digestif, estomac, intestin, des maladies: hépatites chroniques. Ils font partie des indications.
Au niveau psychique également, par exemple des états d'épuisement total, d'états dépressifs mais qui ne sont pas des états dépressifs réactionnels mais des états de fatigue et de grand stress.
A.C.:
Qu'est ce qui se passe d'une façon générale au niveau du métabolisme quand on jeûne ?
F.W.d.T.:
Tout d'abord il se passe la même chose qui se passe chez les animaux qui jeûnent d'une façon très régulière, en général une fois par an, parfois de longues semaines - des mois même. Et bien, chez les humains, nous avons exactement la même capacité de jeûner, c'est à dire que l'être humain est programmé au fond pour des périodes de disette. L'état d'abondance tel que nous la connaissons aujourd'hui et de nourriture qu'on a à toutes les saisons dans la même quantité, dans la même diversité - c'est inconnu de notre système génétique, si vous voulez. L'être humain est fait plutôt pour le manque, ce qu'il a connu au cours du développement de son système pendant des milliers de millions d'années. Et alors cet état de manque fait que nous sommes obligés d'emmagasiner des réserves dans notre corps. C'est surtout de la graisse, mais aussi des réserves de micronutrillions, vitamines et autres et qui nous permettent quand la nourriture manque ce qui était dû aux saisons, à d'autres époques ou encore dans le monde aujourd'hui dû à des saisons comme la mousson où les gens ont beaucoup moins à manger, eh bien, on pouvait vivre de ces réserves. Au fond, on a un système qui fonctionne parfaitement bien quand la nourriture n'est plus à la disposition: nous enclenchons un système qui nous permet de manger nos réserves. Et alors là, il y a toute une cascade d'hormones qui se passe dés le moment où on arrête de manger. On commence par avoir faim. Si on ne répond pas à cette faim parce qu'on a décidé de jeûner, il y a d'abord une toute petite réserve de sucres qui est mobilisé au niveau du foie, c'est du glycogène, et celle-là dure à peu près 24 heures. Après cela nous allons immédiatement mobiliser des réserves de graisse, c'est à dire: ordonner au cellules graisseuses de relâcher leur graisse qui est au fond notre nourriture essentielle pendant le jeûne.
Il y a aussi dans les premiers temps du jeûne une petite utilisation protéique, qui est minimale, qui représente à peu près 20% au debut d'un jeûne et plus que 5% vers la fin d'un jeûne de deux, trois semaines, et cette utilisation protéique fait que pendant le jeûne, bien entendu, on continue à renouveler nos tissus, une partie est aussi utilisée pour la nourriture du cerveau. Il y a tout un métabolisme qu'on connaît bien qui se met en place, et si les personnes sont bien encadrés, qu'elles n'ont pas peur, qu'elles savent ce qui se passe, tout ça se passe d'une façon très harmonieuse. En général, après deux ou trois jours d'adaptation le métabolisme change et on s'habitue de vivre de ses réserves.
A.C.:
Vous savez qu'il y a beaucoup de clichées négatifs sur le jeûne. Celui qu'on attend le plus souvent, c'est la fatigue. Est ce qu'il y a effectivement un état de fatigue ?
F.W.d.T.:
Cette idée de la fatigue, c'est une idée qui n'a pas de réalité quand on suit des jeûneurs. Mais parfois ca peut arriver que des gens arrivent déjà dans un état de stress extrême, déjà très, très fatigué et évidemment, il y a tous les premiers jours où il faut d'abord éliminer cette fatigue qu'on a accumulé, qu'on a apporté avec soi dans ses bagages d'une certaine façon.
A.C.:
Au contraire, on pourrait dire qu'on récupère de l'énergie ...
F.W.d.T.:
Oui
A.C.:
... parce que l'énergie qu'on utilise habituellement pour la digestion est récupérée pour autre chose là, et on utilise 30% de notre énergie pour digérer les aliments, c'est ça ?
F.W.d.T.:
Oui, c'est une explication, en tout cas, elle est un peu métaphorique, mais certainement que tout ce travail digestif - surtout quand on mange trop, nous n'est plus demandé. De là une économie de travail énorme et puis au fond faire un retour vers soi-même aussi. Il y a tout un aspect psychologique qui fait qu'on est défatigué, on a plus de temps pour penser, on a plus de temps pour résoudre des conflits qu'on aurait emmené avec soi. Et puis en plus, évidemment, dans la méthodologie du jeûne, il faut faire des promenades régulièrement, il faut faire de la gymnastique, on fait des séances de repos, on fait des massages, on remet la personne en forme d'une façon multidimensionnelle.
Gisbert Bölling:
Au bout d'une semaine on se sent plus léger, on a perdu quand même quelques kilos, on se sent régénéré, et ça se voit, il suffit de se regarder dans la glace. Ce qui est frappant, au bout de quatre ou cinq jours, c'est le regard des gens qui change, les yeux changent, et le teint, la peau changent, parce que les cellules nouvelles poussent de l'intérieur et les cellules anciennes sont poussées vers l'extérieur. Les masques cosmétiques qui sont censés arracher ces cellules là, ils ont leur raison parce que autant arracher les cellules qui ne tiennent plus. On fait peau neuve. Pendant le jeûne, on les enlève - pas vers l'extérieur mais on les récupère par l'intérieur. Les vieilles cellules servent de réservoir de protéines. On fait aussi peau neuve, et quand on revient à la maison, les autres n'en reviennent pas: on a changé, et ça on le sent, on se sent bien, l'image que nous reflète le miroir est encourageante et les réflexions des autres pareil ...
A.C.:
C'est tout bénéfice ...
G.B.:
Voilà les raisons pour un nettoyage diététique par le jeûne.
A.C.:
Les jeûneurs de huit jours et plus parlent d'un état de bien-être. N'est ce pas l'effet des endorphines sécrétées par le cerveau ?
F.W.d.T.:
Vous avez donc un état de bien-être physique qui est explicable ces éléments dont on a parlé, et l'état de bien-être psychique qui dépend effectivement de la modification de la chimie du cerveau. On le sait déjà depuis longtemps. Par exemple en mangeant des aliments très sucrés ou très gras, il y a un état disons d'anxiolyse, d'harmonisation d'humeur. Eh bien, ce même état est observé pendant le jeûne, et d'une façon encore bien plus intense avec un état d'optimisme, de joie, parfois de bonheur qu'on ne peut pas toujours mettre en relation avec un événement. Et parfois ca peut aller vers des états d'extrème bien-être. Il y a par exemple des gens qui écoutent de la musique et qui disent: C'est incroyable, je n'ai jamais écouté de la musique de cette façon là !
Alors, on a une explication, il y en a certainement d'autres, mais en tout cas une qui a été bien démontrée scientifiquement. Il ya donc cette "hormone du bonheur" qui est la sérotonine qui est potentialisée pendant le jeûne. Et les hormones aussi de stress sont éliminées pendant un jeûne, donc on a une diminution du stress qui est vraiment intrinsèque au jeûne et une augmentation de cette hormone qui harmonise les états d'humeur.
Voix off:
Me sentant impuissant, j'ai mis ma tête sur les genoux de dieu, et j'ai jeûné.
Gandhi