Version française du chapitre "Perfect health"
Parfaite Santé!
Parfaite Santé!
Avez-vous la moindre idée de ce que cette expression signifie? Pouvez-vous vous représenter un tant soit peu en imagination comment vous vous sentiriez si chaque organe de votre corps fonctionnait parfaitement? Peut-être pouvez-vous retourner dans le temps à quelque jour de votre jeunesse, à un moment où vous vous leviez tôt le matin, partiez à pieds vous promener, et où lâme du soleil levant vous pénétrait les sangs, et vous marchiez alors plus vite, preniez de longues respirations, et partiez à rire à voix haute pour le simple bonheur de vivre, dêtre vivant dans un monde dautant de beauté. Et vous voilà aujourdhui, plus âgé, et que ne donneriez-vous pas pour détenir le secret de cette glorieuse sensation? Que diriez-vous sil lon vous disait que vous pouviez la retrouver et la garder, non seulement les matins, mais encore les après-midi et les soirs, et non pas comme quelque chose daccidentel et de mystérieux, mais bien comme quelque chose que vous auriez créé vous-même, et dont vous seriez totalement maître?
Il ne sagit pas ici dune introduction à quelque nouvelle forme de publicité pour une spécialité pharmaceutique. Je nai rien à vendre, et aucun procédé patenté. Cest juste que pendant dix ans jai étudié ma mauvaise santé et celle des hommes et des femmes qui mentourent. Et jai trouvé la cause et le remède. Jai non seulement trouvé la bonne santé, mais plus est la santé parfaite; jai trouvé un nouvel état dêtre, une potentialité de vie; une sensation de légèreté, de propreté et de joie telle que jignorais quelle pût exister chez le corps humain. "Quel plaisir de te croiser dans la rue", me disait encore un ami lautre jour. "Tu te promènes comme si cela représentait pour toi tellement de joie!"
Je regarde le monde autour de moi, et presque tout le monde que je connais est mal en point. Je pourrais citer les uns après les autres les noms dune centaine dhommes et de femmes qui effectuent un travail essentiel pour le progrès et qui endurent le cruel handicap dune souffrance physique. Par exemple, juvre personnellement pour la justice sociale, et jai des compagnons dont laide est une nécessité de toute heure, et pourtant ils sont malades! Dans les journaux dune seule semaine le printemps dernier je lisais quune personne se mourrait de troubles rénaux, quune autre était hospitalisée pour dépression nerveuse, et quune troisième souffrait dun empoisonnement à la ptomaïne. Et dans la correspondance que je reçois, on me dit quun autre de mes plus chers amis na plus quune année à vivre; quun autre homme, un héros, est aujourdhui effondré nerveusement, aspirant à la mort; et quune troisième personne vit la torture avec des maux de tête dus à une déficience biliaire. Il nest pourtant pas une de ces personnes que je ne pourrais guérir si je pouvais lavoir seule près de moi pour deux semaines; pas une delles qui ne finissent par se promener elle aussi dans la rue "comme si cela représentait pour elle tellement de joie!"
Je me propose ici de faire le récit de ma découverte de la santé sans perdre grand temps à mexcuser de sa nature intime. Je nai aucun plaisir à raconter lhistoire de mes maux de tête ou discourir de mon estomac turbulent. Je ne peux cependant prendre dautre cas que le mien, car il nest pas de cas dont je puisse parler avec autant dautorité. Bien sûr, je pourrais en parler en termes abstraits et voilés. Mais en la matière lhistoire perdrait presque toute sa force convaincante, et quelque peu de son utilité. Je pourrais aussi la conter sans la signer. Mais bien des gens ayant lu mes livres et volontiers disposés à me croire ne se donneraient même pas la peine de lire un article sans nom dauteur. Mr. Horace Fletcher nous a à tous montré lexemple en la matière. Il a écrit plusieurs volumes sur sa propre digestion personnelle, et le résultat en a été que littéralement des millions de gens ont été aidés. De la même façon je me propose de verser mon cas au dossier. Le lecteur verra quil sagit dun cas typique, car jai commis à peu près chaque erreur quun homme pouvait commettre, essayé tous les remèdes, anciens comme nouveaux, que quiconque avait à moffrir.
Jai passé mon enfance de garçon au sein dune famille aisée, chez qui la bonne chair était considérée comme une grâce sociale et lintérêt principal de la vie. Nous avions une femme de couleur qui préparait la nourriture, et une autre pour la servir. Il nétait pas considéré convenable que les enfants boivent des boissons gazeuses, mais nous avions des pains chauds trois fois par jour et avions la permission de nous rassasier de poulet frit, de riches sauces, de pâtisseries, de gâteau au fruits, de sucreries et de crème glacée. Tous les Dimanches, je pouvais voir la table de mon grand-père garnie dun rôti de buf à un bout, dune paire de poulets à lautre bout, et dun jambon froid sur le côté; à la Noël et à lAction de Grâce, toute lénergie de létablissement sadonnait à la préparation de mets délicieux. Et plus tard, lorsque je vins à New York, je considérais comme une nécessité la présence dune telle nourriture; même à lépoque où jétais un pauvre étudiant qui vivait de quatre dollars la semaine, je dépensais plus de trois dentre eux dans les comestibles.
Jétais un garçon actif et plutôt en santé; à vingt ans, je me souviens que je disais ne pas avoir eu un seul jour de maladie sérieuse en quatorze ans. Puis jécrivis mon premier roman, je travaillais seize ou dix-huit heures par jour pendant plusieurs mois, sous la tente de camping, vivant principalement de ma poêle à frire. Je me rendis compte pour finir que je souffrais sérieusement de dyspepsie; et ce fut pire lannée suivante, après le deuxième livre. Jallai voir un médecin, qui me donna quelque liquide rouge qui me soulagea comme par enchantement des conséquences dun dur labeur cérébral après avoir mangé. Je pus ainsi continuer encore un an ou deux, puis je découvris que la nourriture artificiellement digérée ne séliminait pas de mon système avec assez de régularité. Je retournai donc voir un autre médecin, qui donna à ma maladie un autre nom, me donna un autre médicament, et recula ainsi un petit peu lheure du jugement.
Je nai jamais pris de thé, de café, dalcool ni de tabac de ma vie; mais durant sept ou huit ans, jai travaillé continuellement sous une forte pression, mangeant très irrégulièrement, et consommant une nourriture malsaine. Aussi jai commencé à avoir des maux de tête de temps en temps, puis à remarquer que jétais anormalement sensible aux rhumes. Je considérais ces maladies naturelles aux mortels, et les attribuais toujours à quelque incident particulier. Je disais, "Jai vadrouillé toute la journée dans le centre-ville"; ou bien, "Jétais sorti en plein soleil"; ou encore, "Le sol où je me tenais était trempé." Je me rendis compte que si je me tenais dans un courant dair même juste une minute, jétais certain d"attraper un rhume". Je vis aussi que javais des maux de gorge et des amygdalites une ou deux fois par hiver; et, de temps à autre, la grippe. Il y avait des moments où je ne dormais pas bien; et comme tout ceci empirait, il me fallait laisser tomber complètement mon travail pour essayer de prendre du repos. La première fois que je le fis, une ou deux semaines suffirent, mais plus tard, un mois ou deux devenaient nécessaires, voire ensuite plusieurs mois.
Lannée où jécrivis "La Jungle", jeus mon premier rhume dété. Cétait la période des foins, dans un ferme, et je pensais quil sagissait dune sorte de rhume des foins. Jéternuais littéralement en torrents des heures durant, et cela dura un mois, jusquà ce que je partis pour le bord de mer. Cela recommença lété suivant, avec en plus une douloureuse expérience: le nerf dune de mes dents mourut et je dus attendre trois jours que la douleur se "localise", avant de pouvoir faire extraire la dent et rentrer chez moi en flageolant; je fus malade et alité pendant une semaine dans les frissons et la fièvre, avec des nausées et de terribles maux de tête. Je mentionne tous ces détails désagréables afin que le lecteur puisse se rendre compte de létat de délabrement auquel jétais rendu. A la même époque, ma famille était abondamment affligée par la maladie; ma femme connaissait rarement une semaine sans souffrance, et mon petit garçon eut la pneumonie un hiver, le croup lhiver suivant, et la coqueluche pendant lété, avec tout le cortège des inévitables "rhumes" avant et après.
Après lincendie du Hélicon Hall, je réalisai que jallais vraiment mal, et je passai une bonne partie de mon temps les deux années qui suivirent à essayer de découvrir comment conserver la santé. Jallai à Battle Creek, puis à Bermuda et dans les Adirondacks; jai lu les livres de tous les nouveaux chercheurs dans le domaine de lhygiène et essayé leurs théories religieusement. Javais découvert Horace Fletcher deux ans auparavant. Lidée de Mr. Fletcher est, brièvement, de mâcher la nourriture, et ce de façon très complète; dextraire ainsi de chaque particule de nourriture le maximum de nutriments, et de ne manger que la quantité dont votre système a véritablement besoin. Cétait pour moi une très belle idée et je my attelai avec le plus grand enthousiasme. Tous les médecins que jai connus étaient des hommes qui sefforçaient de me guérir lorsque je me sentais mal, mais là, il y avait un homme qui étudiait comment rester en bien portant. Il me faut pourtant reconnaître la mise en défaut du système de Mr. Fletcher, aussi je veux dire clairement dès le départ que combien néanmoins je lui dois. Il ma mis sur la bonne piste il ma montré le but, même sil ne my a pas mené. Il mest apparu clairement que tous mes maux étaient les symptômes dun seul grand trouble, la présence dans mon corps de poisons produits par un nourriture superflue et non-assimilée, et que cétait dans lacte de régler la quantité de nourriture aux besoins exacts du corps qui reposait le secret de la santé parfaite.
Ce ne fut que lors de la mise au point de la théorie que je me suis effondré. Mr. Fletcher me disait que "La Nature" serait mon guide, et que si je mastiquais totalement, mon instinct choisirait les aliments. Je découvris que, dans mon cas, ma "nature" était désespérément pervertie. Je préférais invariablement les aliments malsains la tarte aux pommes, les tartines grillées baignant dans le beurre, les fruits cuits à la vapeur agrémentés de quantités de crème et de sucre. Et "La Nature" ne me disait pas non plus gentiment quand arrêter, comme elle le faisait apparemment chez certains autres "Flecheristes"; en dépit de jusquoù je poussais la mastication, si je mangeais tout ce que je voulais, je mangeais trop. Et lorsque je réalisai cela, et tentai de men empêcher, je partis, dans mon ignorance, vers lautre extrême, et perdis quatorze livres en autant de jours. Là encore, Mr. Fletcher menseignait de retirer toutes les parties "non masticables" des aliments la peau des fruits, etc. Ceci a pour résultat quil ne reste plus rien pour stimuler les intestins, et que les déchets restent dans le corps de nombreux jours. Mr. Fletcher dit que cela na pas dimportance, et il semble prouver que cela na pas eu dimportance dans son cas. Mais jai trouvé que cela comptait très sérieusement dans mon cas; ce ne fut que lorsque je devins un "Flecherite" que mes maux de tête devinrent désespérés et que des intestins paresseux devinrent une de mes complaintes chroniques.
Jai lu ensuite les livres de Metchnikoff et Chittenden, qui me montrèrent tout bonnement comment mes maux étaient arrivés. La nourriture non assimilée stagne dans le côlon, les bactéries y essaiment, et les poisons quelles produisent sont absorbés par le système. Jai fait faire des examens bactériologiques de mon propre cas, et jai découvert que lorsque je me sentais bien portant le nombre de ces germes producteurs de toxines se montait à environ six milliards par once de contenus intestinaux; et lorsque, quelques jours plus tard, jeus un mal de tête, le nombre était passé à cent vingt milliards. Mes ennuis étaient là, juste sous le microscope, pour ainsi dire.
Ces tests ont été effectués au Sanatorium de Battle Creek, où jétais allé pour un long séjour. Jai essayé leur système de cure à leau, que jai trouvé un merveilleux stimulant pour les organes délimination; mais jai découvert que, comme tous les autres stimulants, il vous laisse à la fin exactement là où vous en étiez au départ. Ma santé sest améliorée au sanatorium, mais une semaine après ma sortie je rechutai de nouveau avec une grippe.
Je consacrai la prochaine année de ma vie à essayer de recouvrer la santé. Je passai lhiver à Bermuda et lété dans les Adirondacks, tous deux des endroits de stations de santé réputées, et durant toute cette période je menai une vie dhygiène absolue. Je ne travaillais pas dur, je ne me faisais pas de souci, et je ne me mettais pas à penser à ma santé sauf lorsque cela savérait nécessaire. Je vivais tout le temps en plein air, et je consacrais la plus grande partie de mes journées à de lexercice vigoureux tennis, marche à pieds, avirons et natation. Je mentionne cela en particulier afin que le lecteur puisse bien se rendre compte du fait que javais éliminé tous les autres facteurs de mauvaise santé, et apprécier pleinement mes paroles lorsque je dis quau bout de ce séjour dune année ma santé générale était pire que jamais auparavant.
Tout allait bien tant que je jouais au tennis toute la journée ou que je grimpais des montagnes. Les ennuis commençaient quand je me remettais à mon travail intellectuel. Et de là, je vis tout à fait clairement que je mangeais trop; il y avait surplus de nourriture à brûler, et lorsquil ne létait pas il mempoisonnait. Mais comment faire pour arrêter quand javais faim? Jessayai de laisser tomber toutes les choses que jaimais et dont je mangeais le plus; mais rien ny fit, car javais un appétit si complaisant que je me mettais immédiatement à aimer les autres choses! Je me mis à penser que javais un appétit anormal, un résultat de léducation dans mon enfance; mais alors comment arriverais-je jamais à men débarrasser?
Il ne faut pas croire que jétais un gros mangeur manifeste. Au contraire, je mangeais beaucoup moins que la plupart des gens. Mais ce nétait pas pour moi une consolation. Je métais éreinté la santé par des années de surmenage au travail, aussi jétais plus sensible. Les autres gens tombaient en ruines lentement, par étapes, de ce que je pouvais voir; mais moi, jétais déjà en ruines.
Ainsi allaient les choses lorsque jeus la chance de rencontrer une dame, dont le teint radieux et la santé extraordinaire étaient pour tous un sujet détonnement. Je fus surpris dapprendre que pendant dix ou quinze ans, et jusquà tout récemment, elle avait été une invalide clouée au lit. Elle avait vécu lexistence solitaire de la femme dun pionnier, et avait élevé une famille dans des conditions de mauvaise santé notoire. Elle avait souffert de sciatique et de rhumatismes aigus; de troubles intestinaux chroniques que les médecins qualifiaient de "péritonite intermittente"; de catarrhe ou rhume chronique, provoquant de la surdité. Et cétait là la femme qui chevauchait à mes côtés pour grimper vers le Mont Hamilton, en Californie, sur une distance de vingt-huit miles, sous la pluie dun des orages les plus impressionnants dont jai jamais été témoin! Nous avions deux jeunes chevaux encore sauvages, et rien que de simples petites lanières de cuir pour les diriger, et nous étions lavés et fouettés par la pluie pendant presque six mortelles heures, chose que je noublierai jamais même si je vivais centenaire. Et cette femme, à lépoque où elle fit cette équipée à cheval, navait pas mangé une particule de nourriture depuis quatre jours!
Cétait la clé qui lavait sauvée: elle sétait guérie elle-même par un jeûne. Elle sétait abstenue de nourriture pendant huit jours, et tous ses ennuis lavaient quittée. Après quoi elle avait pris son fils aîné, un supérieur de Stanford, et un autre ami de son fils, avait jeûné avec eux pendant douze jours, et les avait guéri de dyspepsie nerveuse. Puis elle avait pris une de ses amies, la femme dun professeur de Stanford, et lavait guérie de rhumatismes par un jeûne dune semaine. Javais entendu parler de la cure par le jeûne, mais cétait la première fois que jen faisais la rencontre. Javais trop de travail alors pour juste lessayer, mais je commençai à lire sur le sujet les livres du Dr. Dewey, du Dr. Hazzard et de Mr. Carrington. En rentrant de Californie je pris un coup de soleil dans le Golfe du Mexique, et je passai une semaine à lhôpital à Key West, et il semble que cela donna le coup de grâce à mon estomac qui souffrait depuis longtemps. Après une autre poussée de dur labeur, je me retrouvai incapable de digérer une bouillie de mais et du lait; soudain, jétais prêt pour un jeûne.
Je commençai. Le jeûne est devenu un lieu commun pour moi maintenant; mais je vais supposer quil est aussi nouveau et surprenant pour le lecteur quil le fut pour moi dabord, et je décrirai mes sensations au fur et à mesure.
Le premier jour jeus très faim la sorte de faim malsaine et vorace que tous les dyspepsiques connaissent. Jeus une petite faim le deuxième matin, après quoi, à mon très grand étonnement, plus rien pas plus dintérêt pour la nourriture que si je nen avais jamais connu le goût. Avant le jeûne, javais eu mal à la tête tous les jours pendant deux ou trois semaines. Ce mal de crâne continua toute la première journée puis disparut pour ne jamais revenir. Le deuxième jour, je me sentis très faible, et un petit peu étourdi au réveil. Je suis sorti dehors et me suis étendu au soleil toute la journée, à lire; de même les troisième et quatrième jours une intense lassitude physique, mais accompagnée dune grande clarté desprit. Après le cinquième jour je me sentis plus fort, et je me mis à faire de bonnes marches ainsi que je commençai à écrire. Aucune phase de lexpérience ne me surprit plus que celle de lactivité de mon esprit; je lisais et écrivais plus que je ne lavais osé depuis des années auparavant.
Durant les quatre premiers jours, je perdis quinze livres de poids chose qui, je lai appris depuis, était un signe de létat extrêmement délabré de mes tissus. Après cela, je ne perdis que deux livres en huit jours autre phénomène également inhabituel. Je dormis bien pendant tout le jeûne. A peu près au milieu de chaque journée je me sentais faible, mais je retrouvais de la fraîcheur avec un massage et une douche froide. Vers la fin je commençai à trouver que lorsque je marchais et me promenais je me sentais les jambes fatiguées, et comme je ne voulais pas me coucher dans le lit, je brisai le jeûne après le douzième jour avec un peu de jus dorange.
Je pris le jus dune douzaine doranges pendant deux jours, puis passai au régime lait, tel que recommandé par Bernard Macfadden. Je pris un verre de lait chaud toutes les heures pendant la première journée, tous les trois-quarts dheure le jour suivant, et finalement toutes les demi-heures soit huit litres par jour. Cest là bien sûr une quantité bien supérieure à ce qui peut être assimilé, mais lexcédent sert à vidanger le système. Les tissus sont baignés dans les nutriments, et on fait lexpérience dune extraordinaire récupération. Dans mon cas particulier, je regagnai quatre livres et demi en un seul jour le troisième et un total de trente-deux livres en vingt-quatre jours.
Mes sensations lors de ce régime au lait furent presque aussi intéressantes que lors du jeûne. Tout dabord, il y eut un extraordinaire sentiment de paix et de calme, comme si chaque nerf fatigué du corps ronronnait tel un chat sous un poêle. Vint ensuite la plus ardente activité intellectuelle je lisais et je lisais et écrivais sans cesse. Et, pour finir, il y eut un désir des plus voraces pour le travail physique. Autrefois, jétais parti marcher pour de longues promenades et javais escaladé des montagnes, mais cela avait toujours été à contrecur et un peu comme par compulsion. Maintenant, après le nettoyage en profondeur du jeûne, je me prenais à aller au gymnase et faire des exercices qui auparavant mauraient littéralement brisé le dos, et je le faisais avec un engouement intense, et avec des résultats étonnants. Les muscles se mettaient à ressortir passablement du corps; je découvrais soudain la possibilité de devenir un athlète. Javais toujours été maigre et dapparence dyspepsique, avec ce que mes amis appelaient une expression "spirituelle"; je devenais maintenant aussi rond quune motte de beurre, et javais le visage dun hâle si bronzé et dun teint si rose que jétais un sujet de blague pour quiconque me voyais.
Je navais pas fait ce quon appelle une jeûne "complet" cest-à-dire que je navais pas attendu que la faim revienne. Aussi je recommençai. Mon intention était seulement de faire un jeûne bref, mais je maperçus que la faim cessa de nouveau, et, à ma grande surprise, je neus aucune des faiblesses précédentes. Je pris un bain froid et une friction vigoureuse deux fois par jour; je marchais pendant quatre miles tous les matins, et faisais de légers exercices au gymnase, et je ne ressentis rien si ce nest une légère tendance à frissonner qui me rappelait que jétais en train de jeûner. Je perdis neuf livres en huit jours, puis continuais une semaine de plus sur une base doranges et de figues, et je repris la plus grande partie du poids sur ces aliments.
Je me souviendrai toujours avec amusement de lattitude précautionneuse avec laquelle je commençai alors à goûter aux divers aliments qui mavaient causé des troubles auparavant. Les bananes, les fruits acides, le beurre darachide je les testai un par un, puis combinés, et je réalisai ainsi avec un frisson dexultation que toute trace de mes anciens ennuis était partie. Naguère, il mavait fallu mallonger une heure ou deux après les repas; je pouvais maintenant faire tout ce que je voulais. Auparavant, javais été dépendant de toutes sortes de préparations laxatives; maintenant je les oubliais. Je navais plus de maux de tête. Je me promenais nu-tête sous la pluie, je me tenais dans des courants dair froids, et apparemment jétais immunisé contre les rhumes. Et, par-dessus tout, javais cette merveilleuse et abondante énergie de sorte que à chaque fois que javais une ou deux minutes à perdre je me mettais à faire larbre droit, ou à faire des "tractions", ou quelqueautre "exploit", par pure exubérance dhumeur animale.
Pendant plusieurs mois après cette expérience, je vécus selon un régime daliments naturels bruts, principalement des noix et des fruits. Javais été conduit à considérer ce dernier comme le régime naturel de lêtre humain; et je trouvai que tant que je menais une vie active, les résultats savéraient des plus satisfaisants. Ils létaient également dans le cas de ma femme et plus encore dans celui de mon petit garçon: on peut imaginer la quantité de travail et de souci ainsi épargnée dans le ménage. Cependant, quand je me lançai dans une longue période de dur et continuel travail décriture, je maperçus que je navais pas suffisamment dénergie dans le corps pour digérer ces aliments bruts. Jeus recours alternativement au jeûne et au lait et les choses allèrent assez bien pour un temps, mais démontrèrent pour finir un tension nerveuse. Récemment un ami a attiré mon attention sur le livre du feu Dr. Salisbury, "La Relation entre lAlimentation et la Maladie". Le Dr. Salisbury recommande un régime de buf grillé et deau chaude comme étant la solution à la plupart des problèmes du corps humain; et lon peut croire que moi, qui avais été un végétarien rigide et enthousiaste pendant trois ou quatre ans, je trouvais lidée surprenante. Cependant, je me fais un point dhonneur de conserver lesprit ouvert, aussi je me mis à essayer le système Salisbury. Je suis désolé de devoir dire que cela semble être un bon système; désolé, parce que le mode de vie végétarien est de façon si évidente le mode le plus propre, le plus humain et le plus pratique. Mais il me semble que je suis capable deffectuer plus de travail et un travail plus dur intellectuellement lorsque je mange des beefsteaks que sous aucun autre régime; et tant que cela continuera dêtre le cas, il y aura un végétarien de moins dans le monde.
Le jeûne est pour moi la clé à léternelle jeunesse, le secret de la santé parfaite et permanente. Rien ne pourrait menlever la connaissance que jen ai. Cest la valve de sûreté de la nature, une protection automatique contre la maladie. Je ne maventurerais pas à affirmer que je suis à labri des maladies virulentes, telles que la variole ou la typhoïde. Je connais un ardent culturiste physique, un médecin, qui prend des germes de typhoïde de temps en temps pour éprouver et démontrer son immunité, mais je nirais pas si loin; il me suffit dêtre à labri de toutes les infections communes qui nous accablent, de tous les troubles "chroniques". Et je continuerai de lêtre dans lexacte mesure où je me tiens à ma présente résolution, qui est de jeûner au moindre indice dun quelconque symptôme de malaise un rhume ou un mal de tête, un sentiment dêtre déprimé, ou une langue chargée, ou encore une éraflure au doigt qui ne guérit pas rapidement.
Ceux qui ont étudié le jeûne en explique les miracles de la façon suivante: le système reçoit un excédent de nutriments et de ferments, et le corps se trouve rempli dune quantité plus grande de matières toxiques que les organes délimination ne peuvent traiter. Le résultat en est lencombrement de ces organes et des vaisseaux sanguins telle est la signification des maux de tête et des rhumatismes, de lartériosclérose, de la paralysie, de lapoplexie, de la maladie de Bright, de la cirrhose, etc. Et en détériorant le sang et en réduisant la vitalité, cette même condition prédispose le système à linfection aux "rhumes", à la pneumonie, à la tuberculose, ou à toute autre fièvre. Dès que le jeûne commence, et que les premières faims se sont éteintes, les sécrétions cessent, et tout le système dassimilation, qui prend tant dénergie corporelle, sarrête. Le corps commence alors une sorte de ménage, qui doit être assisté par un lavement et un bain quotidiens, et, par-dessus tout, par lacte de boire généreusement de leau. La langue se charge, lhaleine et la transpiration se font repoussantes; et cela continue jusquà ce que la matière malade ait été complètement éjectée, auquel moment la langue devient claire et la faim se manifeste de nouveau sous une forme défiant toute méprise.
La perte de poids durant le jeûne est généralement denviron une livre par jour. Les graisses sont les premières utilisées, puis après cela viennent les tissus musculaires; la vraie famine ne commence que lorsque le corps a été réduit au squelette et aux viscères. Des jeûnes de quarante et cinquante jours sont aujourdhui tout à fait courants jai rencontré plusieurs personnes qui lavaient fait.
Aussi étrange que cela puisse paraître, le jeûne est une cure aussi bien pour la maigreur que pour lobésité. Après un jeûne complet le corps reviendra à son poids idéal. Les gens qui sont très corpulents ne regagneront pas leur poids; alors que les gens qui manquent de poids peuvent gagner une livre ou plus par jour pendant un mois. Il y a deux dangers à craindre dans le jeûne. Le premier est celui de la peur. Je ne dis pas cela pour plaisanter. Personne ne devrait commencer un jeûne sans avoir dabord lu sur le sujet et sêtre convaincu que cest la chose à faire; si possible, il devrait avoir avec lui quelquun qui en a déjà fait lexpérience. Il ne devrait pas avoir près de lui des tantes et des cousins terrifiés qui vont lui dire quil a lair dun cadavre, que son pouls est en dessous de quarante, et que son cur peut sarrêter de battre dans la nuit. Jai fait un jeûne de trois jours là-bas en Californie; le troisième jour, jai marché environ quinze miles, à volonté, et, à part le fait que jétais agité, je ne me suis jamais senti mieux. Puis le soir je suis rentrai à la maison et jai lu un article sur le tremblement de terre de Messina, décrivant comment les bateaux de secours étaient arrivés, comment les malheureux survivants étaient descendus en foule sur le rivage et sétaient entre-déchirés comme des bêtes sauvages dans leur peur panique de la faim. Le journal avançait, dans un langage horrifié, que certains dentre eux sétaient retrouvés soixante-douze heures sans nourriture. Et moi, au moment où je lisais, javais aussi été soixante-douze heures sans nourriture; la différence tenait simplement au fait queux pensaient quils mouraient de faim. Et si à quelque moment de crise durant un long jeûne, quand vous vous sentez nerveux, faible et en plein doute, que des gens dune volonté plus affirmée que la vôtre sont capables déveiller en vous les terreurs des survivants du tremblement de terre, ils peuvent provoquer ainsi la réalisation de leurs anticipations les plus sinistres.
Lautre danger est dans la rupture du jeûne. Une personne qui arrête un long jeûne devrait se considérer comme sil risquait des crises de folie furieuse. Je connais un homme qui a jeûné cinquante jours, et qui a ensuite mangé une demi douzaine de figues, ce qui lui causa des écorchures intestinales dont il perdit beaucoup de sang. Je pourrais mappesantir plus encore sur ce sujet si ce nétait ma découverte du "régime au lait". Quand on boit un verre de lait chaque demi-heure il ny a aucun risque davoir réellement faim, et ainsi, lon glisse et passe, comme par magie, dune condition dextrême maigreur à celle dun prospère rotondité. Mais très fréquemment, le régime lait indispose des gens; ceux-ci doivent briser le jeûne avec de très petites quantités des aliments les plus simples des jus de fruits et des bouillons de viandes et de légumes pendant les deux ou trois premiers jours au moins.
Je conclurai ce chapitre par le récit des expériences que quelques autres personnes ont eu avec la cure par le jeûne. A lexception de lune dentre elles, la second cas, ce sont tous des gens que je connais personnellement, et qui mont conté leur histoire de leurs propres bouches.
En premier, je citerai le cas de ma femme. Elle a toujours été fragile, et sujette aux maux de gorge depuis son enfance. Au cours des cinq dernières années elle a subi trois opérations chirurgicales majeures et a eu par ailleurs plusieurs maladies sérieuses. Il y a deux ans, elle eut une grave crise dappendicite. Le médecin porta un mauvais diagnostic, et la maintint en vie pendant environ dix jours sous la morphine. Elle était ensuite trop faible pour risquer une opération, et on ne sattendait plus à ce quelle survive à cela. Il fallut plusieurs mois avant quelle ne pût marcher de nouveau, et elle navait jamais complètement récupéré de cette expérience. Lorsquelle commença le jeûne, elle souffrait de sérieux troubles destomac, dune perte de poids, et de neurasthénie.
Je ne pensais pas quelle serait capable de soutenir un jeûne. Elle avait plus dennuis que moi qui souffrait de nervosité, de mal de tête et de nausée. Mais elle le supporta pendant dix jours, moment où sa langue se clarifia soudain. Elle avait perdu douze livres, et en regagna ensuite vingt-deux en dix-sept jours. Elle refit alors un autre jeûne de six jours avec moi, et ce sans plus de trouble que je nen expérimentai moi-même la deuxième fois marchant sur quatre miles avec moi chaque matin. Elle est maintenant une image de santé, et sest lancée avec enthousiasme dans lentreprise de se bâtir des muscles.
Deuxième cas, un homme dun âge bien avancé dans la vie, qui avait toujours abusé de sa santé. Il souffrait dasthme et dhydropisie, et était saturé de médicaments. Cela faisait plusieurs années quil navait pas été capable de sallonger. Il pesait plus de 220 livres, et ses jambes étaient "comme des sacs deau, transpirant en permanence". Ses reins avaient refusé de fonctionner, et après que les docteurs eurent essayé sur lui toutes les drogues quils connaissaient, on lui annonça quil allait mourir. Son frère, qui men conta les circonstances, le persuada de ne pas manger le souper quon lui apportait, et il survécut ainsi à la nuit. Il jeûna sept jours, et continua pendant quatre jours supplémentaires avec un régime alimentaire très léger, et aujourdhui il coupe du bois et fait les foins dans sa ferme du Kentucky.
Troisième cas, un jeune médecin, qui lorsquil était au collège était une déchet physique de par une vie de débauche, âgé maintenant de vingt-quatre ans. "Un neurasthénique né". Il eut deux crises dappendicite coup sur coup. Il jeûna cinq jours après la dernière crise, et six jours par la suite. Il a gagné trente-cinq livres, et cest un athlète splendidement développé; il court cinq miles en 26 minutes et 15 secondes, et fait un 500 miles en vélo en sept jours.
Quatrième cas, une jeune dame, qui avait souffert de dépression nerveuse suite à du surmenage et des soucis. Les os de la colonne vertébrale sétaient ramollis; ses os des hanches avaient basculé vers le haut par trois-quarts de pouce; elle était "à peine capable de ramper sur deux cannes". Elle jeûna dix jours, puis de nouveau huit jours, et prit le régime au lait pendant six semaines. Je lai rencontrée tous les jours pendant les dernières huit ou dix semaines, et je ne pense pas que jai jamais vu une femme qui mait autant impressionné par sa santé débordante et radieuse.
Cinquième cas, un jeune homme, blessé dans un accident de chemin de fer; une côte cassée et la membrane extérieure des poumons perforée. Il porte encore un drain ouvert, du fait de la friction des membranes. Il a souffert de crises successives de bronchite, de typhoïde, de pneumonie et de pleurésie. Il avait chuté de 186 à 119 livres, et faisait des plans pour se suicider. Il jeûna six jours, regagna vingt-sept livres, et joue vigoureusement au tennis, en dépit du drain ouvert dans la poitrine. Récemment, il a marché 442 miles en onze jours.
Sixième cas, une dame, mariée, à la moitié de sa vie, qui avait souffert toute sa vie de troubles destomac; elle avait enduré six crises de rhumatisme inflammatoire, avec pour résultats une maladie cardiaque valvulaire et la perte de lusage de ses membres. Elle jeûna quatre fois quatre, huit, vingt-huit et quatorze jours. La meilleure description que je puisse faire de sa condition présente est de dire que pendant tout lété elle se levait chaque matin aux aurores, marchait quatre miles et demi, allait nager, puis revenait à pieds chez elle pour le petit-déjeuner.
Septième cas, un ecclésiastique de léglise Episcopale, qui avait souffert presque toute sa vie dindigestion; il avait eu une crise aiguë de gastrite, suivie dune prostration nerveuse et dune totale dépression nerveuse. Des spécialistes avaient diagnostiqué son cas comme "un affaissement de lestomac et des entrailles, de lauto intoxication et de la neurasthénie", et lui avaient dit quil ne pouvait pas sattendre à aller mieux en deçà de cinq ans. Il était tellement maigre quil pouvait difficilement avancer en se traînant, et, bien quil eût une femme et six enfants, il contemplait lidée du suicide. Il jeûna onze jours, et regagna alors trente livres. Je suis prêt à témoigner quil est aujourdhui lecclésiastique le plus industrieux, le plus joyeux et le plus athlétique que jaie jamais eu le bonheur de rencontrer.
Jai pris quelque peine dinvestiguer le sujet du jeûne, et de rencontrer des gens qui ont vécu lexpérience. Je pourrais citer une douzaine dautres cas si jen avais la place. Je connais un homme qui a réduit son poids de 365 livres à 235. Je connais une petite fille dont la colonne vertébrale était courbée en forme de "U" couché sur le côté, et qui, par le truchement du jeûne et du régime aux fruits exclusivement, sest redressée de quatre pouces vers la posture droite en quelques mois. Elle a le teint dune santé parfaite, et est rapidement en train de recouvrer lusage de ses bras et de ses jambes, qui sétaient paralysés il y a des années.
Je considère le jeûne comme le propre remède de la Nature devant tous autres maux. Cest le seul remède qui soit fondé sur une compréhension de la nature fondamentale de la maladie. Et je crois que lorsque les joyeuses marées de ses miracles auront atteint les gens, cela les amènera à jeter à la poubelle 90 pour cent de nos materia medica présentes. Il se peut que ceci soit malvenu pour ceux des médecins qui sont plus soucieux de leurs propres revenus que de la santé de leurs patients; mais je nai jamais rencontré personnellement de tels médecins, et donc jincite vivement les gens médicaux à investiguer les faits extraordinaires et presque incroyables ayant trait à la cure par le jeûne.
Peu après la terminaison de larticle qui précède, lauteur eut une autre expérience intéressante avec le jeûne. Il eut loccasion de faire quelques travaux qui le maintinrent à lintérieur pendant deux semaines, sous une tension considérable; et il dut ensuite passer la plus grande partie dune semaine dans la chaise du dentiste à souffrir grandement; et pour finir il dut passer deux jours et deux nuits dans le train. Il arriva à destination avec tous les symptômes de ce quune longue et douloureuse expérience lui avait appris à reconnaître comme une forte crise de "grippe". (La dernière crise lavait étendu à lhôpital durant une semaine, et lavait laissé si affaibli quil pouvait difficilement se tenir debout). Il jeûna à cette occasion, et bien que les circonstances le poussaient à être debout et à bouger durant tout ce temps, toute trace de malaise le quitta en deux jours. Ayant commencé, cependant, il continua le jeûne pendant douze jours. Durant ce temps, il fit le plan dune pièce de théâtre, en écrivit les deux tiers, et il a des raisons de penser que cest une uvre réussie comme il nen a encore jamais faite. Il mérite dêtre signalé que le huitième jour il était assez fort pour effectuer six "tractions" en ligne, alors quavant le traitement de jeûne il navait jamais dans sa vie été capable de faire cela plus dune ou deux fois.
Une Lettre au New York Times
(indigne dimpression)
Arden, Del. le 31 Mai 1910
Editeur du Times, New York City,
Cher Monsieur, -- Il y a quelques temps les colonnes de vos nouvelles contenaient une dépêche portant sur le fait que trois jeunes dames de Garden City, Long Island, entreprenaient un jeûne de trois jours suite à la lecture dun article de magazine recommandant cette mesure. Dans la référence de votre éditorial à cette dépêche, vous dites que les dames sont "les victimes dun sensationnaliste superficiel et peu scrupuleux". Comme je suis lauteur de larticle du magazine en question, je présume que ça veut dire moi. Je navais pas lintention de répondre à la remarque, car jimagine que je dois avoir depuis longtemps perdu toute réputation qui aurait encore pu mêtre retirée par des commentaires journalistiques. Pensant la question close, cependant, jai conclus que je pouvais aventurer une légère protestation, non pas à mon propre compte, mais pour lamour de limportante découverte dont je parlais dans larticle en question.
Cest un des privilèges inhérents à la possession dun journal de pouvoir mentionner les noms dautres gens sans impunité, et de pouvoir toujours avoir le dernier mot dans toute dispute. Votre sens de la loyauté me donnera-t-il, cependant, le privilège de vous demander de me dire ce que vous voulez dire au juste par linsinuation en question? Dans larticle de magazine jai déclaré que javais fait plusieurs jeûnes dune durée de dix ou douze jours, avec pour résultat un recouvrement complet de ma santé. Je suppose que lauteur de léditorial avait lu larticle avant de le condamner. Dois-je comprendre quil tira de larticle limpression que je racontais des mensonges, et que je navais jamais vraiment fait ces jeûnes que je disais avoir faits? Ou bien avait-il dans lidée que jexagérais les bénéfices desdits jeûnes, afin de trouver des "victimes" en la personne des trois jeunes dames de Garden City?
Je pourrais dire que jai effectué les jeûnes en question dans une institution où des centaines de gens jeûnaient pendant toutes sortes de durée de trois à cinquante jours; que durant tout ce temps jétais sous lobservation de nombreuses gens; mon poids était régulièrement pris chaque jour, et tous les symptômes que jai décrits furent observés par des médecins et des amis. Puis-je aussi attirer votre attention sur le fait que jai publié dans larticle deux photographies, une prise il y a quatre ans, et lautre après le traitement de jeûne? Le contraste entre les deux photos était suffisamment frappant, me semble-t-il, pour impressionner nimporte qui. Puis-je aussi attirer votre attention sur le fait que larticle fut trouvé suffisamment intéressant pour être publié dans lun des mensuels Anglais les plus représentatifs, le Contemporary Review? Et également que le Contemporary Review adjoint à larticle le témoignage dune demi douzaine de gens dont javais observé moi-même les cas, et dont je possède les lettres?
Je reconnais pleinement le fait que nombre des choses que je soutiens en tant quécrivain vous soient détestables, mais ce nest sûrement pas une raison pour condamner avec insouciance et aveuglément une importante découverte à propos de la santé humaine, simplement parce quil se trouve que je suis la personne qui en parle. Mis à part toutes questions personnelles, et dans le simple intérêt de la découverte en question, je vous invite respectueusement à mener une enquête sur les déclarations que jai avancées dans cet article. Je peux vous donner volontiers les noms de certaines personnes qui ont jeûné soit sous mes directives soit en ma présence, et qui parleront à un représentant de votre journal des résultats que cela leur a apportés. Je peux vous mentionner une douzaine de ces gens. Egalement, peut-être en forme de préface, il se pourrait que vous souhaitiez publier en annexe à ma lettre les communications dune autre de mes "victimes", en omettant le nom de leur auteur à moins davoir obtenu la permission den user.
Sincèrement vôtre,
UPTON SINCLAIR
En annexe de ce qui précède était une lettre que le lecteur trouvera dans lAnnexe, page III. Le Times ne publia pas cette lettre, ni ne prêta-t-il la moindre attention à plusieurs lettres de protestation qui suivirent. Je laisse le soin au lecteur de juger si le silence du journal traduisait de la dignité ou de la peur. La dépêche qui suit provenant du New York World du 17 Mai 1910, relate les expériences des dames de Garden City, et met en évidence combien mes "victimes" avaient besoin de compassion.
Les jeunes femmes, toutes les trois, sont dans une forme rare. Elles ont vaqué à leurs occupations et récréations usuelles, et Mme Trask a trouvé le temps hier de parler de la taxe des célibataires au cours dune conversation qui regardait principalement son intérêt récent.
"Nous recevons à propos de notre aventure une quantité de lettres des plus extraordinaires", dit Mme Trask. "Elles ont commencé à arriver le premier jour, et aujourdhui il y en a des tas. Elles arrivent des places les plus inattendues et contiennent certaines des choses les plus surprenantes.
"Ce qui métonne le plus cest que, de tous les gens qui nous écrivent pour nous dire quils ont essayé exactement ce que nous sommes en train de faire, aucun dentre eux ne nous a parlé déchec. Il ny a aucune raison pour les empêcher décrire pour nous dire que nous sommes folles et que nous ne pouvons espérer y gagner ce que nous recherchons, mais des douzaines dentre eux ont réitéré la promesse que nous ne regretterions jamais davoir fait cette expérience.
"Une femme de New York nous a dit quelque chose sur quoi nous nous sommes posé des questions plus dune fois. Son mari avait souffert grandement de rhumatisme et avait fini par essayé le jeûne. Pas le régime comme dans notre cas, mais le jeûne. Il navait pris aucune nourriture daucune sorte, disait-elle, durant dix-neuf jours. Il avait continué son travail, également, ce qui était le point sur lequel nous nous étions posé des questions.
"Nous avons entendu parlé aussi dun médecin. Il vit à Boston et sest spécialisé dans la diététique. Il nous a averties de ne pas sen tenir trop fermement au lait, parce que nous nous étions aperçu après un jour ou deux quil avait cessé de rendre le service quil avait dabord apporté. Des gens dont nous navions jamais entendu parler nous disent que leur expérience a été exactement la même, et quand nous mesurons nos propres découvertes par rapport aux leurs, nous trouvons là des preuves nouvelles et convaincantes que nous avons mis la main sur la vraie voie vers le but que nous espérions atteindre.
"Je sais quen ce qui me concerne jaurai des raisons dêtre éternellement reconnaissante davoir entrepris ceci. Nous en avons tiré de grands bénéfices."