Jeûne et chimiothérapie

Un chercheur montre que quelques jours de jeûne peuvent être un complément idéal à la chimiothérapie en cas de cancer.

e 31 mars 2008, une publication du Bulletin de l’Académie Nationale des Sciences Américaine (PNAS) a fait le tour du monde : Starvation depending differential stress resistance (Variation de la résistance contre le stress en corrélation avec le jeûne). Valter Longo, gérontologue de l’USC (University of Southern California de Los Angeles), principal acteur de cette recherche, avait commencé ses recherches sur les effets du jeûne avec des cellules de levure : après deux jours de « jeûne », elles supportaient beaucoup mieux le stress, celui d’une forte chaleur, par exemple.

Chez les souris

Après deux jours de jeûne, des animaux de laboratoire supportent trois à cinq fois la dose « normale » de chimiothérapie utilisée contre le cancer sans subir d’effets secondaires ;

sans le jeûne, cette dose serait a priori mortelle.

Valter Longo : « Après deux jours de jeûne, les cellules saines sont dans un mode ‘haute protection’ que les cellules cancéreuses ne peuvent enclencher. »

Ce résultat a immédiatement intéressé les cancérologues du monde entier qui, dans chaque cas de chimio, sont devant un dilemme : il faut que le dosage soit suffisamment élevé pour avoir un effet sur les cellules cancéreuses - sans que les effets secondaires rendent la vie insupportable pour le patient.

Des volontaires inattendus

L'article scientifique se terminait avec un avertissement : « Cependant, ne l'essayez pas sur vous-même, parce que nous ne connaissons pas encore la réaction de l’organisme humain à la chimiothérapie après un jeûne. »

Malgré tout, de courageux malades ont voulu tester : un jour de jeûne avant la chimio, puis deux, voire même trois. À chaque fois, les effets secondaires ont baissé. L’équipe de Los Angeles a ainsi pu réunir 25 témoignages (dont trois venant de France). Il s’est avéré que la meilleure formule pour l’Homme est trois jours de jeûne à l’eau avant la chimio, et un quatrième jour après.

La revue américaine Impact Aging a publié un article en décembre 2009 avec un résumé dans le tableau ci-dessous, portant sur dix volontaires :

http://www.impactaging.com/papers/ v1/n12/full/100114.html*.

Manger ou jeûner ?

Dans le dossier du 20 heures de TF1 du 17 mars 2009, le Dr Jean-Michel Cohen affirmait ceci : « Ceux qui disent que le jeûne peut améliorer la chimiothérapie sont dangereux, parce que nous savons que, pendant la chimio, il faut être encore mieux nourri que d’habitude. »

Or, ils n’en savent RIEN DU TOUT, puisqu’ils n’ont jamais testé le jeûne avant la chimio. Ils constatent seulement l’amaigrissement de leurs patients pendant la chimio. D’où le conseil de manger plus. Or, en mangeant plus, les patients augmentent tout simplement la nécessité urgente des vomissements : le corps, sous l’attaque de la chimiothérapie, veut se débarrasser de tout ce qui est superflu, pour mieux pouvoir gérer l’afflux des produits chimiques. On lui facilite donc largement la tâche en jeûnant avant la chimio.

Au cours de l’étude sur les souris, les animaux de laboratoire avaient perdu 20 % de leur poids en deux jours de jeûne – pour les reprendre dans les deux jours après la chimio. Les animaux sans jeûne ont perdu 20 % de leur poids après la chimiothérapie

– avant de mourir sans avoir eu le temps de les reprendre.

Des recherches approfondies

Ces résultats prometteurs ont incité une ONG (la V Foundation for Cancer Research, créée par un célèbre coach du basket américain, Jim Valvano) d’attribuer 600 000 $ à l’USC pour lancer un véritable essai clinique sur trois ans. Cet essai est actuellement en cours et porte sur une centaine de malades du cancer de la vessie. Les premiers résultats seront disponibles d’ici un an.

Au-delà du jeûne…

En arrière-plan de ces recherches, une autre perspective s’annonce : si la chimiothérapie est mieux supportée, on peut envisager d’en augmenter le dosage – et donc son efficacité. Mais les laboratoires pharmaceutiques tentent de tirer leur épingle du jeu : on cherche activement des médicaments pour protéger les cellules saines

dans l’espoir qu’ils soient aussi efficaces que le jeûne ! Valter Longo a même déposé un brevet dans lequel il énumère une série de produits qui pourraient jouer ce rôle. Une première piste paraît prometteuse : le « IGF-I » (Insulin-like Growth Factor-I = facteur de croissance-1 ressemblant à l’insuline). On sait, depuis les années 1980, qu’il baisse fortement pendant un jeûne. Or, on peut provoquer cette baisse artificiellement par des médicaments. Un premier test avec des animaux de laboratoire vient d’avoir lieu : les résultats sont semblables à ceux du jeûne, quoique moins prononcés : http://www.ncbi. nlm.nih.gov/pubmed/20145127

Il est à prévoir que la recherche pharmaceutique favorisera largement cette voie et reléguera le jeûne aux curiosités de l’histoire – avant même de l’avoir essayé à grande échelle…

Mais nous pouvons décider aussi de reconnaître les bienfaits du jeûne et faire circuler l’information. J’ai créé pour cela le site www.jeune-et-chimio.com, un lieu de rencontre et d’échange pour toutes celles et tous ceux qui sont prêts à s’engager sur cette voie nouvelle et prometteuse de l’accompagnement de la chimiothérapie contre le cancer : infirmières et kinésithérapeutes pour l’encadrement, médecins et pharmacologues pour leur formation.

Et l’activité physique

Le blog du régretté David Servan-Schreiber (www.guerir.org) publiait le résultat d’autres recherches américaines montrant qu’une activité physique légère améliore largement la qualité de vie des patients sous chimiothérapie. La fondation du quintuple vainqueur du Tour de France, Lance Armstrong, (Lifestrong Foundation) a mis en place un programme d’accompagnement pour les patients et « survivants » du cancer

– comparable au programme pour les patients cardio-vasculaires. C’est le YMCA (une organisation chrétienne) qui assure le suivi de ce programme partout aux États-Unis (pour d’autres informations, cherchez sur Internet en tapant : Lifestrong Foundation + YMCA).

Combiner quatre jours de jeûne autour de la chimiothérapie avec une activité physique légère pourrait sans doute potentialiser les bienfaits des deux démarches.

Gisbert Bölling

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